Sept heures d’écran quotidien. Ce n’est pas une anomalie statistique, mais la réalité de certains enfants en France, à mille lieues des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé qui fixe la barre à une à deux heures par jour. Ce fossé, bien réel, fait grimper l’inquiétude chez les professionnels de santé.
Les premiers signes d’addiction s’installent souvent sans bruit, échappant au regard de l’entourage. Les répercussions, elles, s’étendent : santé physique en berne, nuits écourtées, humeur instable. Les parents, déstabilisés, cherchent des réponses concrètes pour rééquilibrer la place du numérique à la maison et retrouver un dialogue apaisé.
Pourquoi l’usage excessif des écrans inquiète de plus en plus les parents
Le temps passé devant les écrans explose chez les enfants, et ce n’est plus une simple préoccupation : c’est devenu un sujet de tension dans de nombreux foyers. Selon l’Inserm, un enfant de moins de 13 ans passe aujourd’hui, en moyenne, plus de 4 heures par jour devant un écran, télévision, jeux vidéo, réseaux sociaux confondus. Cette spirale concerne aussi les adolescents, qui jonglent entre loisirs numériques et devoirs scolaires en ligne.
Le psychiatre Serge Tisseron, référence sur la question, ne cesse de prévenir : l’addiction numérique s’installe souvent sans crier gare. Trop d’écrans, et voilà l’apprentissage du langage qui rame, la curiosité qui s’étiole, l’activité physique qui passe au second plan. Les signes ne trompent pas : irritabilité, concentration qui s’effrite, enfant qui préfère son écran à tout le reste. Pour certains, l’écran devient un abri contre l’anxiété ou l’ennui.
Concrètement, voici ce que les familles observent :
- Santé physique : sommeil perturbé, fatigue persistante, sédentarité qui s’installe.
- Santé mentale : anxiété en hausse, symptômes dépressifs, retrait social qui s’accentue.
- Scolarité : démotivation, notes qui dégringolent.
Dans ce contexte, la question du sevrage numérique s’invite à la table familiale. Les repères se brouillent, la frontière entre usage éducatif et comportement addictif s’amincit. Le numérique s’infiltre dans tous les espaces, jusqu’à fragiliser les liens familiaux et intergénérationnels.
Quels signaux doivent alerter sur une possible dépendance chez l’enfant ?
La dépendance numérique n’a pas toujours des allures spectaculaires. Souvent, tout commence par une perte d’intérêt progressive pour le reste : les jouets restent dans leur boîte, les moments en famille sont esquivés, l’enfant réclame inlassablement son écran dès le matin. La frustration éclate dès qu’on tente de fixer des limites.
Les difficultés d’endormissement figurent parmi les signaux les plus fréquents. La lumière bleue des écrans dérègle le rythme du sommeil et fragmente les nuits. Certains enfants se plaignent aussi de douleurs au cou, de maux de tête, de fatigue visuelle. Parfois, des crises d’angoisse ou des colères surviennent au moment de couper l’écran. Chez les plus grands, l’isolement s’accentue : ils s’éloignent du cercle familial, s’enferment dans les réseaux sociaux ou les jeux en ligne.
Voici les principaux signaux à surveiller :
- Désintérêt pour les activités sportives ou créatives
- Retrait social, isolement grandissant
- Chute des résultats scolaires, difficultés à se concentrer
- Apparition de troubles de l’attention ou d’hyperactivité
Quand ces changements de comportement s’installent, la vigilance parentale devient primordiale. Pour Serge Tisseron et nombre d’experts, c’est le meilleur bouclier contre l’installation de la dépendance.
Les risques réels pour la santé physique, mentale et sociale
Les dangers liés à la surexposition aux écrans ne relèvent plus de l’hypothèse : ils sont documentés et bien identifiés par les professionnels de santé. En première ligne, les troubles du sommeil, aggravés par la lumière bleue qui perturbe la mélatonine, retardant l’endormissement et rendant les nuits moins réparatrices. Cette fatigue chronique pèse lourdement sur l’apprentissage et la mémoire des enfants.
La santé psychique n’est pas épargnée. Les troubles anxieux progressent, la dépression n’épargne plus le collège. La surexposition aux réseaux sociaux fragilise l’image de soi, encourage la comparaison et accentue le sentiment de solitude. Le repli social se banalise : les interactions réelles diminuent, l’enfant se ferme peu à peu à son entourage.
Physiquement, les conséquences s’accumulent : douleurs cervicales, tensions dans le dos, tendinites du pouce. Le manque d’activité physique entraîne une prise de poids, accentuée par le grignotage devant l’écran. À la longue, l’équilibre alimentaire et postural se dégrade.
Les risques principaux peuvent être résumés ainsi :
- Troubles du sommeil : difficultés à s’endormir, nuits hachées
- Anxiété et dépression : progression chez les plus jeunes
- Isolement social : réduction des échanges hors ligne
- Sédentarité et douleurs corporelles : postures inadaptées, douleurs, perte de mobilité
Les spécialistes insistent : la surexposition numérique n’est pas un simple phénomène de société, mais une problématique sanitaire qui pèse sur le développement global des enfants.
Des solutions concrètes et bienveillantes pour accompagner son enfant vers un usage raisonné
Accompagner un enfant vers un usage plus équilibré des écrans demande du doigté et de la constance. L’enjeu ? Rétablir une relation apaisée avec le numérique, sans tomber dans l’affrontement. Le dialogue, toujours, reste la porte d’entrée : expliquer, rassurer, donner du sens aux nouvelles règles. Même les plus jeunes comprennent mieux quand le cadre est posé avec bienveillance.
Les applications et outils de contrôle parental peuvent aider à fixer des limites, mais rien ne remplace l’accompagnement humain. Définir ensemble des plages sans écrans, repas, devoirs, soirées, donne le ton, tout en laissant la place à la discussion. L’usage raisonné se construit dans le quotidien, pas à pas.
Des alternatives concrètes
Pour aider l’enfant à décrocher, il s’agit de proposer des activités variées et attrayantes qui redonnent du souffle au quotidien :
- Mettre en avant les activités physiques, en groupe ou en solo : sport, balade, vélo
- Ressortir les jeux de société, organiser des ateliers créatifs, lire ensemble
- Favoriser les rencontres, l’inscription à des clubs, la participation à des sorties culturelles
Les parents montrent aussi l’exemple : modérer son propre usage, instaurer des moments sans écrans partagés, c’est déjà ouvrir la voie. En cas de dépendance bien ancrée, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peut offrir des pistes solides, comme le rappelle la pédopsychiatre Sylvie Dieu Osika. Des groupes de parole existent également, pour échanger, relativiser et avancer ensemble.
Repenser la place du numérique dans la famille, c’est rouvrir des espaces de partage, retrouver des temps vivants loin des écrans. Un chemin qui se construit à plusieurs, chaque jour, et qui redonne à l’enfance toute sa liberté d’explorer.

